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Un temps paradoxal : 11 novembre 1918
Nécropole de Lorette
Il fut un temps paradoxal, après un temps si brutal
Tant de silence anormal, là où il y avait tant de cris
Tant de fureur, tant d'hommes donnant, et recevant la mort
Tant de visages effarés, effrayés de ce qu'on eur fit
Tant d'ombres et de spectres, et tant d'innombrables remords
Tant de clameurs heureux là où il y avait les replis
Tant de ferveur de femmes priant, et se taisant si fort
Tant de villages écrasés, méprisés de ce qu'on leur prit
Tant de patries détruites, réduites aux suprêmes efforts
Il fut un temps paradoxal, après un temps bien trop brutal
Tant de soleil pâle et défait où le clairon fut simulacre
Pour l'amnistie sur tous les fronts, et ce serait la der des der
Tant de serments, d'outrance, d'outrage au-dessus des massacres
Au-dessus des champs tragiques, et des tyranniques cimetières
Tant de mots victorieux où étaient ces fauteurs de guerre
Les fervents des unions sacrées et les assassins de Jaurès
Tant de médailles, de généraux, tant de glorieuses carrières
Tant d'indignité, tant d'oubli quand on se pardonnait de messes
Il fut un temps paradoxal, après un temps tant immoral
Tant de fois, assez, de ces lieux, pour qui les vécut dans l'effroi
Et dans tant de cauchemars, où des frères sont ennemis
Même pour un peu d'eau sale, tant de fois assez de croix
De fer, de bois, pour rien et pour mourir sans amour dans leur vieTant de fois, vanté, tous ces lieux, pour qui y mettra des exploits
D'être mille et revenir cent, d'être au combat, animal et ivre
Pour qui força les hommes à manger, à boire n'importe quoi
Pour qui fusilla, par sa loi contre la pensée de survivre
Il fut un temps paradoxal, après un temps tant innommable
© Gil DEF. 10.11.2008
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