• L'homme précaire mais après l'apostrophe

      

    On dit court notre parcours et du berceau au tombeau
    Mais comme c’est long d’être un homme, chose précaire
    D’un seul soir d’abeille morte au dernier rai de lumière
    Et quand on sait demain, demain se plaint aux roseaux

    L’homme est étroit, jambes longues, pareil aux échassiers
    Mais différent de l’oiseau c’est l’évidence qu’il refuse
    Ses pas font de grands écarts tant sa pensée est confuse
    Elle est même à son ombre, morceau de nuit à traîner

    L’homme est appris pour marcher, au tout premier combat
    Sur la chaussée des géants, où l’on parle de miracles
    Quand l’enfant lève le front, quand il franchit l’obstacle
    Mais personne n’enseigne combien de fois il tombera

    Pourtant il fait tout pour s’accaparer ce qui lui plait
    Autour de lui, il s’y porte, par nécessité intuitive
    A tout porter à la bouche, aux dangers de tout suivre
    Le beau fruit, mais le poison, et l’inventaire incomplet

    L’homme est avide de besoins qui le font prédisposé
    A se transporter plus loin, à quitter l’enfant balançoire
    La courte échelle au mur, les camarades de gloire
    Il n’a nulle identité autre que celle voyagée

    Il se fait exil, exode, en tous temps, et sans le choix
    A s’allonger, démesurées, les jambes des distances,
    Entre départ et arrivée, et même si toute chance
    N’est qu’un rêve réduit, et un homme vieux déjà

    L’homme est un jour qui chemine dans la poussière du temps
    Le paradoxe, il se fait lent quand le temps s’accélère
    Il renonce à une mère, qu’il met en terre de misère
    Il recule, il prend froid où le dépassent des enfants

    Longtemps il repasse des horizons dans ses yeux
    Il cherche cet endroit, idéal par le rouge aux lèvres
    L’eau puisée aux sources, les arbres et leur sève
    L’air, le fruit qui ne manquent, les cercles des gens heureux

    Mais l’homme se perd à mettre son idéal au-delà
    De ce qu’il a de courage, de ce qui lève de terre
    Il traverse des déserts, avec ses pensées amères
    D’un conflit avec les dieux, d’un paradis qui n’est pas

    L’homme se perd à s’étranger de son propre portrait
    Un même que lui, pieds nus, un même que lui, dans la crasse
    Un même que lui, en prison, en convois têtes basses
    Mais ce qui me fait jour tient d’une larme qui l’admet

    L’homme est contradictions du face à face avec ses peurs
    Et sa pauvre science mais qui refuse ses limites
    Et trop souvent il s’évite, si trop fort le cœur palpite
    Prêt à prendre la fuite d’un affolement intérieur

    Rien d’autre que le temps trop court qui le porte à la mort
    Ne peut expliquer ses crises, et tant de dérobades
    Ses suppliques, ses prières, ses vaines jérémiades
    Jusqu'au mea culpa aux dieux pour négocier son sort

    Mais il est celui qui ne renonce pas à être entier
    Par le corps et la pensée, d’énergie et de matière
    Sensible à ce qui l’entoure, d’énigmes, de mystères
    Qui sait s’y ajouter, s’y faire sa propre beauté

    Il est celui qui donne le beau geste utile à sa main
    C’est celui de tout labeur rapporté aux terres futures
    A la bouche des enfants où se trouve la mesure
    De la faim, de la soif, et du sens de nos destins

    Il est celui qui bâtit de cercles le vrai progrès
    C’est celui au pied du mur, fil à plomb et équerre
    Fort de géométrie et de son savoir faire
    La maison tout autour d’une famille au complet

    Il est celui qui s’instruit des choses en profondeur
    A travers l’apparence, au-delà des impressions premières
    C’est celui qui s’éloigne des attitudes guerrières
    Des zones d’obscurité pour nous rendre meilleurs

    Il est celui qui refuse l’homme comme pire animal
    C’est celui qui le soigne repoussant son infortune
    D’un accident, d’une maladie, de pensées sous l’enclume
    Ou lui porte secours contre tout verdict fatal

    Il est celui qui assume son rôle même ingrat
    Même méprisé d’un si maigre prix pour sa peine
    Qui est donc l’indigent au comptoir de la gêne
    Si ce n’est ceux qui nous mettent au plus bas

    Il est celui qui compte des talents par millions
    Par l’addition, par la multiplication des preuves
    Qui nous ont fait sortir des plus terribles épreuves
    C’est chacun de nous si nous levons nos fronts
     

    © Gil DEF - 27.04.2009


  • Commentaires

    1
    Marie-Isabelle
    Dimanche 3 Avril 2011 à 08:17
    L'homme précaire
    "Il est celui qui compte des talents par millions Par l’addition, par la multiplication des preuves Qui nous ont fait sortir des plus terribles épreuves C’est chacun de nous si nous levons nos fronts" ... mais après l'apostrophe. Je te savais génial, tu viens encore de le prouver. Que serions-nous sans ta plume intelligente qui nous pousse à regarder l'essentiel ? Bises. Marie
    2
    Samedi 29 Octobre 2011 à 09:54
    L'homme précaire - R
    Quel compliment ! Bises. Gil
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