• In, out, et bouches ouvertes

     

     Pas le temps de rire, pas le temps de pleurer
    Votre chemin est-il comme ça dans ce monde
    Pas le temps de vivre, pas le temps pour aimer
    Votre règle est-elle à l’aiguille des secondes
    J’en suis homme affecté, pour vite résumer
    In, out, et pas de doute, in, out, et ça me coûte
    Je suis bouche ouverte, et c’est un manque d’air
    In, out, et pas de doute, in, out, et ça me coûte
     

    Le poisson s’asphyxie à tourner du bocal
    Il fait chaud, on se shoote au bruit à l’ozone
    Jusqu’à mon troisième étage, sans ascenseur
    En face l’hôpital, une ambulance et l’urgence
    Un passant et son chien, une bière à la main
    Trois morts, quatre blessés, un accident de la route
    Du détail, du quotidien, et sur papier journal,
    Semaine des soldes, tout comme d’habitude
     

    On envoie la télé aux plages en été
    Pour la sécurité, on fait le périmètre
    Météo à l’iode, chaise longue et soleil
    Tant qu’on reste anonyme et qu’on n’est pas victime
    Radeau aux méduses, tant qu’on profite du temps
    Bon vent et drapeau vert, pour le surf et la drague
    Maillots de bain, beignets, petits crimes en privé
    Taxe en baisse sur les fruits de mer et les poulpes
     

    La chienne pend la langue, et c’est bien normal
    Il fait chaud, et cherche un peu d’oxygène
    Un bon maître, éventail, savant du courant d’air,
    In, out, et pas de doute, in, out, et ça me coûte
    De son manque d’air à mon ventilateur
    De mon ventilateur aux parcs des éoliennes
    Rien de plus que le durable des gadgets,
    De l’écologie, de la mode bleu pétrole
     

    Pas grave, dira-t-on, sauf que le manque d’air
    Est à moi un avertissement, et il me coûte
    De mettre à ma bouche ouverte plus qu’il ne faut
    Plus que la mienne, plus que celles de cette ville
    Bien plus que d’un seul jour, on prive de poumons
    Les hommes des containers, les hommes dans les cales,
    Les hommes hors la loi, les hommes qui se noient
    Quand s’essuient des pieds sur les paillassons, welcome
     

    Que me dis-tu, ma compagne, pour ce matin
    Il fait chaud, tu es toi aussi bouche ouverte
    Tu t’en viens chargée des commerces du quartier
    Avec un recommandé, une facture en retard
    Des soucis de finance mais y a plus grave
    On n’est pas de la zone des climatiseurs
    De la compagnie du prestige dans la luxure
    De la gente planquée dans la bonne conscience
     

    Que me dis-tu des conversations du dehors
    La pandémie de grippe, face à tout ce qu’on évite
    De crimes en bandes organisées, de sommets
    De la connerie mondiale, de bouches ouvertes,
    Béantes par la faim, saturées d’éthanol,
    Dans les banques, ça va, milliards en dividendes
    La crise n’est pas partout, bien évidemment
    Mais tant qu’on a son auto, ses jours de vacances
     

    Que me dis tu que je n’ai pas dit assez
    De ma bouche ouverte à des quantités d’autres
    De notre amour à d’autres amours de qualité
    Du poisson du bocal, du panier de la chienne
    Jusqu’aux choses humaines, et leurs cauchemars
    Qu’on pourrait changer d’un peu de notre fenêtre
    D’un peu de notre table, d’un don de sang, de cœur
    Je n’ai que peu de moyens pourtant ils existent
     

    Je ne puis toute la misère sur mon dos
    Je ne suis qu’un peu d’eau, et un peu d’argile
    Empruntée à la terre, pour en faire ma maison
    Mais mon père disait que l’humilité sauve
    C’est son propre abri, l’école et l’hôpital
    Le puits au milieu des constructions nécessaires
    Des bouches ouvertes qui sont en réunion
    Qui font qu’on respire, et qui font qu’on s’admire
     

    Ma poésie se met à la disposition
    D’aucun jeu de l’esprit qui prétend la lumière
    Débarrassée de l’air, de toute respiration
    Des poumons au cœur, des poumons à la bouche
    Et des cris extérieurs de l’intérieur profond
    Déposons poison et spirituelle morale
    Qui ne respirent pas, arrachent les poumons
    Du cancer d’hypocrisie sur les corps des martyrs
     

    Ma poésie, c’est la vie, mon culte païen
    Un cercle au front pour rappel à l’importance
    Du temps mis pour rire, du temps pris pour pleurer
    Le long du chemin, de son argile à sa pierre
    Du temps mis à vivre, du temps pris pour aimer
    Et la règle de la défendre de façon honnête
    In, out, à inspirer, in, out, à expirer
    In, out, et même si ça coûte, d’être ainsi bouche ouverte
     

    © Gil DEF - 07.08.2009
     

    Source Photo : wilfridhoffacker.blog.le monde.fr
     


  • Commentaires

    1
    Dimanche 9 Août 2009 à 07:04
    In, Out...
    Un texte grandiose, criant de réalisme ! Bises. Marie-Isabelle
    2
    Samedi 15 Août 2009 à 19:41
    In, out - R
    Marie-Isabelle Ce texte est pour moi un texte marquant car il m'a permis d'avancer vers une possibilité nouvelle de définition de la poésie...et il est sans doute le début d'une nouvelle série de textes. Bises. Gil
    3
    Mardi 18 Août 2009 à 06:45
    Re/Re: In, Out
    Une nouvelle série de textes dis-tu ?... Oh! J'ai hâte que tu nous en fasses profiter ici même. Bises. Marie
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