• A Monsieur Jean du cap d'azur

     

    Monsieur Jean, j’aurais tant voulu vous parler tout un jour
    De ces contrées fédérées par mille histoires d’amour
    Vous rendre de ma plaine un écho à votre montagne
    Sous un grand châtaignier reconquérir nos Espagne
     

    Monsieur Jean, j’aurais tant voulu vous emprunter la voix
    Les mots sous la moustache prêts à l’élan du combat
    Simplement à dire ici tout commence à ces feuillages
    Au-dessus de nos têtes et quand ils font nos visages
     

    J’aurais voulu simplement vous apporter ces épaules
    Des nommés camarades et qui tiennent leurs paroles
    Voulant gagner à la vie des espaces à l’embellie
    Tantôt beauté sauvage, tantôt courage à l’outil
     

    J’aurais pu évidemment vous colporter cette chance
    De vos chansons en dimanche aux gens réduits au silence
    Pour la môme ouvrière enfin vêtue, fleur de mai
    Pour les sorties d’usines, les rendez vous de vent frais
     

    Monsieur Jean, j’aurais tant voulu vous faire le cadeau
    De ces vers comme sillons qui s’obsèdent du nouveau
    Des pays d’Aragon aux yeux d’Elsa, corps de flamme
    Contre cendre, feu éteint, poème au sursaut de l’âme
     

    J’aurais voulu pour le mieux vous rassembler des yeux
    De profondeur, de couleurs du côté des temps heureux
    Au plus loin de Guernica, des ciels rouges d’Indochine
    J’aurais voulu exposer ce vœu d’âge mandarine
     

    J’aurais tant voulu joyeux vous proposer l’olive
    Le vin porté à nos lèvres, pour symboles d’âmes vives
    Pour ce qui nous met ensemble à la table et à ses chants
    Ses éclats des trois fois rien à l’oser des sentiments
     

    Monsieur Jean, j’aurais tant voulu vous rejoindre d’histoires
    De miroirs aux alouettes que je garde à toujours croire
    Le poète et puis l’abeille parce qu’ils donnent le miel
    Le poète et l’araignée, au bout d’un fil essentiel
     

    Monsieur Jean, j’aurais tant voulu échanger du patois
    Contre nos gorges sèches de l’Ardèche à mon détroit
    Ne pas voir passer le temps ni nos semblables rides
    Ayant comblé le vide que font les gens dits lucides
     

    J’aurais aimé l’air taquin vous soutenir le bras
    Partenaire de pétanque avec la mauvaise foi
    Du pointeur ou du tireur forts d’amitié fanfaronne
    Loin de ce qui raisonne, et qui avant tout pardonne
     

    J’aurais voulu humblement vous retourner l’adresse
    D’une entrée en poésie par l’espérance qui reste
    D’un beau jour orange et bleu d’un seul doigt sur l’horizon
    Où un enfant dessine le toit bleu de sa maison
     

    Monsieur Jean, j’aurais voulu avec vous prendre la mesure
    De l’engagement fidèle à la vie comme aventure
    Nous consoler d’un phare, dans la nuit et le brouillard
    Nous conforter des amours, des libertés sur un soir
     

    J’aurais voulu comme enfant vous amener de mon père
    Ce que fut le beau geste jusqu’à son heure dernière
    Le sourire aux cerises au temps du merle moqueur
    La voix poussée au bonheur au chant libre tendre à cœur
     

    Nous aurions pu peut être nous apaiser les chagrins
    Ils ne manquent à personne et pour qui fait son chemin
    Parmi les pauvres humains faits de ces cordes sensibles
    A son prochain, son voisin, et à leur commune cible
     

    J’aurais voulu vous confier entre rose et réséda
    Comment j’ai pu affranchir le sens même de mes pas
    Vous m’avez mis l’avenir sur la voie de la jeunesse
    Entre les générations au-delà de ce qui blesse
     

    Monsieur Jean, vous resterez des justes suite sublime
    Heureux est qui meurt d’aimer et que serait-il sans rime
    A poursuivre le cap vers un possible bon port
    S’il n’est plus d’Alexandrie, d’éclairage à son sort
     

    Monsieur Jean, il est bien normal de vous pleurer tel un homme
    Même si on sait notre issue, et l’inexorable somme
    De ceux qui tombent trop tôt comme frêles papillons
    Et qui n’ont pas eu le temps d’un tournesol à leurs noms
     

    J’entends, j’entends, pour demain, la vie veut qu’on la chérisse
    La fasse souveraine, et en quête de justice
    Il faut qu’elle continue du premier cri des enfants
    Jusqu’à l’homme vieux et beau, qu’elle ait ainsi tout son temps
     

    Monsieur Jean, le cap d’azur, oui, j’entends bien, Monsieur Jean
     

    © Gil DEF. 15.03.2010
     


  • Commentaires

    1
    Wallet
    Vendredi 9 Avril 2010 à 13:35
    Jean Ferrat
    Bel hommage à ce chic type et bravo pour ce site que je viens de découvrir! j'ai lu aussi ton dernier poème sur "terre des mots" , j'ai bien aimé. amicalement walco
    2
    Lundi 12 Avril 2010 à 06:31
    Hommage à Ferrat
    Un hommage vrai, tant sincère et tellement magistral, à l'image même du personnage et de l'auteur, il va de soi. Bises. Marie
    3
    Dimanche 30 Mai 2010 à 19:01
    Jean Ferrat-R
    Walco Il n'est jamais facile de rendre hommage à de grands artistes qui nous laissent un si beau patrimoine. J'apprécie le message sympathique. Amitiés. Gil
    4
    Dimanche 30 Mai 2010 à 19:03
    Hommage à Ferrat-R
    Marie-Isabelle Tu devines ô combien les chansons de Ferrat et les poèmes de Louis Aragon comptent pour moi. Bises. Gil
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